Pour une mécanisation agricole disponible et accessible aux petits et moyens producteurs dont les revenus sont souvent faibles, se mettre en coopératives pourrait aider chacun à y accéder. Ceci pour booster et moderniser la production agricole du pays. Pour répondre à cette problématique, les Coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) ont vu le jour dans le Borgou. On compte à ce jour 30 Cuma dans ce département et 159 à travers l’ensemble du pays. Elles ont pour faîtière départementale, l’Ud-Cuma dans le Borgou. Depuis leur création, les Cuma ont fait leurs preuves à travers les défis surmontés et les résultats satisfaisants obtenus. Les acteurs de ces Cuma nous parlent ici de leur fonctionnement et de leurs défis.
Malik SOULEMANE
La Cuma, c’est le résultat de la volonté d’un certain nombre d’agriculteurs qui décident de mécaniser leurs exploitations. Ce sont des agriculteurs qui se connaissent, qui se font mutuellement confiance et qui décident de mutualiser leurs moyens en achetant ensemble un matériel ou des matériels agricole(s) dont ils ont besoin et qu’ils utiliseront sur leurs exploitations. Cela veut dire que si un seul agriculteur n’a pas les moyens pour s’acheter à lui seul un matériel agricole, à plusieurs c’est possible, il peut s’associer à d’autres agriculteurs de son village/localité qui ont besoin du même matériel pour un achat collectif. Le cadre juridique dans lequel s’exerce les activités de ces agriculteurs qui décident de se mettre ensemble, et le statut approprié sont donc les Cuma.
Ainsi, la Cuma vient répondre à un besoin donné, c’est une solution à un problème commun. « Si des agriculteurs ont de problème de labour, ils peuvent investir ensemble dans l’achat d’un tracteur par exemple pour labourer ensuite leurs champs. S’ils ont des problèmes pour les récoltes, ils peuvent décider de créer une Cuma en achetant ensemble une moissonneuse ; des transformatrices de soja peuvent décider de créer une Cuma en achetant ensemble un moulin pour leur activité de transformation. », a renchéri Abraham Gandé Guéré, Coordonnateur de l’Union départementale des Cuma (Ud-Cuma) du Borgou. On peut dire que la Cuma est en sorte un outil de travail au service des adhérents pour développer leurs activités.
Une Cuma, c’est une coopérative avant tout, donc elle fonctionne selon les principes coopératifs universels. « Cette organisation collective est régulée par les statuts coopératifs, qui définissent un socle de règles communes. En conséquence, chaque groupe en Cuma décide de ses règles de facturation, de gestion des plannings et les écrits dans le règlement intérieur. Il y a des organes de gestion élus par les membres. Les Cuma du Borgou ont une faîtière départementale qui est l’Ud-Cuma et qui les accompagne dans la gestion, et dans bien d’autres appuis. », a renseigné Abraham Gandé Guéré.
Le président de la Cuma ‘’Wanrou Sourou’’ de Sokka, commune de Sinendé se réjouit du bon fonctionnement de leur Cuma. « Nous tenons de très bonnes relations au sein de la Cuma et nous tenons fréquemment des réunions. Tous les membres sont très proches de par leurs habitats. Les responsables de l’Ud-Cuma nous encouragent toujours dans ce sens et ils conduisent souvent vers nous des délégations de nos pairs producteurs qui viennent du Togo, Mali, Burkina Faso et Niger » a témoigné Boukari Idrissou Issa Touré, président Cuma ‘’Wanrou Sourou’’. Cependant, certaines Cuma n’arrivent pas à tenir régulièrement des réunions pour discuter des problèmes auxquels elles font face. « Au sein de notre Cuma Nonganèra de Gnanhoun, nous n’arrivons pas à tenir régulièrement des réunions pour discuter. Aussi, la marque de tracteur que nous avons tombe en panne souvent et ça consomme assez de carburant » s’est plaint le président Cuma, Séro Gounou. Mais il faut signaler que c’est une nouvelle Cuma créée en janvier 2024 et c’est leur première campagne agricole.
Par ailleurs, les Cuma sont confrontées à plusieurs défis. « La mécanisation n’est qu’un facteur de production parmi tant d’autres et les Cuma sont confrontées à des défis parmi lesquels on peut citer : faible maîtrise de la mécanisation par les usagers ; difficultés d’accès aux pièces de rechange en raison de leur coût élevé ou de leur indisponibilité sur place ; insuffisance de mécaniciens compétents ; difficultés d’accès au financement (crédits inadaptés) ; difficultés de commercialisation des produits ; dessouchage des terrains ; effets néfastes de changement climatique ; insuffisance de partenaires techniques et financiers ; insuffisance de personnel d’encadrement sur le territoire » a poursuivi Abraham Gandé Guéré.
De même, certains producteurs ont des difficultés à se constituer en Cuma. C’est le cas de Pierre Sarè Bagoudou à N’dali, « J’ai ouvert un compte avec mes frères pour constituer une Cuma, mais quand le moment est venu de cotiser l’argent à verser pour avoir le tracteur, ils se sont désistés. Seul, je n’ai pas pu mobiliser le montant qu’il faut et depuis lors, je n’ai pas trouvé d’autres à qui m’associer. » Pour atténuer ces difficultés, Abraham Gandé Guéré propose de : promouvoir une mécanisation compatible avec le maintien d’une agriculture familiale garante d’un milieu rural vivant ; accompagner et promouvoir le modèle Cuma pour le développement des territoires ; créer des conditions favorables d’acquisition de matériels agricoles pour des petits producteurs qui veulent se mettre en Cuma. En définitive, les Cuma doivent être accompagnées par les politiques publiques pour une mécanisation agricole pour tous.