L’agriculture béninoise, pilier fondamental de l’économie du pays, fait face à des disparités entre les sexes qui freinent l’efficacité et la durabilité du secteur. En 2023, bien que les femmes représentent près de la moitié de la population agricole, elles restent largement sous-représentées dans les emplois formels et dans les cultures à plus forte valeur ajoutée. Si leur rôle est indéniable dans certaines cultures comme les légumes et les légumineuses, l’accès limité aux ressources et aux opportunités économiques restreint leur potentiel. Ces inégalités ont des conséquences profondes sur l’autonomisation des femmes et le développement agricole du Bénin.
Ulrich DADO TOSSOU
Dans un secteur où les femmes jouent un rôle crucial, les inégalités de genre en agriculture continuent de limiter leur potentiel et freinent le développement d’un secteur pourtant vital pour l’économie béninoise. L’agriculture est l’un des piliers les plus importants de l’économie du Bénin, représentant une part significative du produit intérieur brut (Pib) et une source majeure de revenus pour la population. Toutefois, les données de la Direction de la statistique agricole (Dsa) de Avril 2023 révèlent des disparités de genre profondes qui continuent de marquer ce secteur. Bien que les femmes représentent près de 47,9% de la population agricole, leur accès aux opportunités dans les exploitations agricoles reste limité. Leur participation dans les emplois salariés agricoles, dans les cultures à plus forte valeur ajoutée, ainsi que leur temps de travail, témoignent d’un déséquilibre préoccupant.
En 2023, les statistiques indiquent que seulement 27,9% des employés agricoles sont des femmes, alors que 72,1% sont des hommes. Ce chiffre met en évidence une sous-représentation des femmes dans le travail salarié agricole, bien que celles-ci constituent une part importante de la population agricole. Ce déséquilibre pourrait être lié à des obstacles culturels et socio-économiques qui limitent leur accès aux emplois formels dans le secteur, malgré leur présence massive dans les travaux agricoles non rémunérés ou informels.
Une autre disparité entre les sexes se manifeste dans le temps de travail consacré à l’agriculture. Les hommes travaillent en moyenne 7,8 mois à temps plein dans les exploitations agricoles, tandis que les femmes n’en consacrent que 6,7 mois. Si la différence semble faible en apparence, elle est significative sur le long terme. De plus, bien que les hommes et les femmes consacrent à peu près le même nombre de mois au travail à temps partiel, respectivement 2,2 mois pour les hommes et 2,1 mois pour les femmes, cette différence en temps plein souligne un écart dans l’engagement professionnel des femmes. Ce déséquilibre est souvent lié à des responsabilités domestiques et familiales qui pèsent davantage sur les femmes, réduisant leur capacité à s’investir pleinement dans des activités agricoles rémunérées.
Malgré ces disparités, les femmes ont une présence plus marquée dans certaines catégories de cultures agricoles, particulièrement les légumes principaux et les légumineuses à graines. Dans la même année, environ 30% des producteurs de ces cultures étaient des femmes, ce qui reflète une implication significative dans ces secteurs. Cependant, cette participation reste bien inférieure dans d’autres domaines, notamment les céréales. Par exemple, bien que près de 30% des producteurs de riz et de maïs soient des femmes, elles sont pratiquement absentes dans la culture du sorgho, où moins de 10% des producteurs sont des femmes.
La situation est encore plus marquée dans certaines cultures industrielles à forte valeur ajoutée, comme le palmier à huile et l’ananas, où la présence des femmes est particulièrement faible. Ces cultures, nécessitant souvent un capital plus important, sont dominées par les hommes. De plus, la culture de l’igname, une production alimentaire fondamentale au Bénin, est presque exclusivement assurée par des hommes, avec seulement 4,9% des producteurs étant des femmes.
Un autre défi majeur pour les femmes dans l’agriculture béninoise réside dans l’utilisation de la mécanisation agricole. Bien que les chefs d’exploitation pratiquant la production végétale aient recours à différentes méthodes, telles que l’utilisation d’engrais, de semences ou de produits phytosanitaires, les femmes restent largement exclues de l’utilisation des équipements agricoles modernes, en particulier pour la mécanisation des travaux du sol.
En 2023, parmi les exploitants utilisant des engrais minéraux, 12,6% étaient des femmes, tandis que 14,1% utilisaient des engrais organiques. Toutefois, pour des pratiques telles que l’utilisation de semences améliorées, l’application de produits phytosanitaires ou la mécanisation des travaux du sol, la présence des femmes chute drastiquement à moins de 10%. Ce faible taux d’adoption de la mécanisation par les femmes pourrait limiter leur capacité à accroître leur productivité et à faire face aux défis liés au changement climatique et à la compétitivité du marché.
Les raisons de cette faible adoption sont multiples : un accès limité aux financements, une formation insuffisante, ainsi que des normes sociales et culturelles qui excluent souvent les femmes des domaines considérés comme « masculins ». Cela empêche non seulement les femmes d’améliorer leur rendement agricole, mais aussi de participer pleinement à la modernisation du secteur.
Les inégalités observées dans l’agriculture béninoise ont des conséquences importantes sur l’ensemble du secteur. La sous-représentation des femmes dans les emplois agricoles rémunérés et dans les cultures à plus forte valeur ajoutée limite non seulement leur potentiel économique, mais affecte également la compétitivité du secteur. Si les femmes étaient davantage intégrées dans ces domaines, cela pourrait conduire à une augmentation de la production, une amélioration des revenus des familles agricoles, et un renforcement de la sécurité alimentaire du pays.
L’autonomisation économique des femmes dans le secteur agricole est donc un levier crucial pour le développement du Bénin. En permettant aux femmes d’accéder à des ressources comme la terre, les financements, la formation et la technologie, il est possible de créer des opportunités pour qu’elles contribuent pleinement à l’agriculture, au-delà des tâches domestiques et informelles.
Les données de 2023 soulignent l’urgence de réformer les politiques agricoles pour favoriser une plus grande égalité entre les sexes. Les femmes doivent être mieux soutenues dans l’accès à la terre, à la formation et au financement afin de pouvoir participer activement aux secteurs agricoles à plus forte valeur ajoutée. En assurant un environnement plus inclusif et équitable, l’agriculture béninoise pourrait voir un dynamisme accru, avec des gains de productivité et de compétitivité.
Une agriculture plus inclusive, dans laquelle les femmes sont pleinement intégrées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, serait un moteur pour le développement durable du Bénin. Cela contribuerait non seulement à l’amélioration du bien-être des femmes rurales, mais aussi à la croissance économique et à la prospérité du secteur agricole dans son ensemble.