Daabaaru Agri

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Agriculture, Agrobusiness, Environnement

COTON BIO AU BÉNIN : La révolution silencieuse des champs

Au cœur du Bénin, une révolution agricole se dessine, transformant les champs de coton en territoire d’innovation sociale et environnementale. En trois ans, 9 000 petits exploitants ont réinventé leur rapport à la terre, démontrant qu’un modèle agricole durable peut simultanément régénérer les écosystèmes, émanciper les communautés et générer de la prospérité économique. Entre développement local et ambition internationale, le projet « Growing Benin’s Organic Cotton Sector » écrit une nouvelle page du développement agricole africain. Ulrich DADO TOSSOU Le coton n’est plus seulement une fibre : il est devenu l’étoffe d’une transformation écologique et sociale. Trois ans après son lancement, le projet Growing Benin’s Organic Cotton Sector, porté par la Fondation Aid by Trade, a démontré que l’agriculture biologique peut être à la fois viable et rentable. Avec une augmentation impressionnante de 65 % de la production de coton biologique, l’initiative a également permis une hausse moyenne des revenus des agriculteurs de 9 %. Ce progrès bénéficie directement à 9 000 petits exploitants, qui ont été formés pour adopter des pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement. Comme relayé par Afrik.com, le secret de ce succès réside dans une approche intégrée. Au-delà de la conversion technique, le projet investit dans les agriculteurs eux-mêmes. Formations pratiques, gestion biologique des ravageurs et conseils sur les semences transforment chaque paysan en acteur clé de sa propre réussite. Mariame Dabo, agricultrice engagée dans cette révolution, témoigne : « Nous cultivons désormais des cultures saines à moindre coût, tout en préservant la santé de nos familles et de nos sols. » L’impact du projet dépasse les champs. Dans les coopératives agricoles, 30 % des postes de leadership sont désormais occupés par des femmes, révèle la même source. Une avancée majeure dans un secteur longtemps dominé par les hommes, qui marque un tournant décisif pour l’émancipation sociale au sein des communautés rurales. Loin des mécanismes traditionnels d’aide au développement, ce projet repose sur un partenariat équilibré entre acteurs locaux et internationaux, dont le Bmz allemand et le Pesticide Action Network Uk. Benjamin Mohr, représentant de la Giz, souligne : « Nous connectons et renforçons les acteurs de toute la chaîne d’approvisionnement pour rendre le secteur agricole plus équitable et durable. » Malgré ses succès, le projet n’en est qu’à ses débuts. Aujourd’hui, seulement 30 % du coton africain est certifié biologique ou durable. La prochaine étape consistera à élargir ces pratiques à d’autres régions et à renforcer leur adoption dans d’autres filières agricoles. Avec ce projet, le Bénin s’affirme comme un modèle pour une agriculture africaine alliant rentabilité, équité sociale et respect de l’environnement. Cette transformation, bien que discrète, pourrait redéfinir le futur de l’agriculture sur le continent.

Droit et politiques agricoles

ÉDITO : Sauver la filière soja

La filière soja au Bénin traverse une période trouble. Les restrictions sur le transport et la commercialisation de cette légumineuse, mises en place par le gouvernement, suscitent une vive inquiétude parmi les producteurs. En effet, alors que le pays aspire à booster la production locale de soja et à renforcer son marché par sa transformation locale, ces mesures risquent de porter un coup fatal à une filière déjà fragile. Les producteurs, notamment dans les régions comme N’Dali, dénoncent une baisse drastique des prix. Ce qui contraste avec la rareté de l’offre sur les marchés locaux. Ils estiment que ces restrictions, loin de stimuler la production, risquent de décourager les producteurs. Si la mise en place d’une interprofession soja visait à organiser et structurer le secteur, ces mesures risquent de la mettre en péril. Comment espérer que les producteurs aient confiance dans la filière si leurs produits sont entravés dans leur circulation ? Le gouvernement et les responsables de la nouvelle interprofession doivent prendre conscience de l’impact de ces restrictions sur l’avenir de la filière soja. Plutôt que d’imposer des barrières, il serait plus judicieux de chercher des solutions qui garantissent une libre circulation du soja tout en contrôlant son flux de manière plus souple et moins contraignante. Un équilibre est nécessaire pour protéger les intérêts des producteurs tout en permettant à l’État de réguler le marché plus efficacement. Il est encore temps de réviser ces décisions, pour le bien-être des producteurs et l’avenir de la filière soja au Bénin. La Rédaction

Droit et politiques agricoles

COMMERCIALISATION DU SOJA AU BÉNIN : Les conditions fixées pour la campagne 2024-2025

Le gouvernement béninois, réuni en Conseil des ministres ce mercredi 11 décembre 2024, a communiqué aux acteurs de la filière soja les conditions de commercialisation pour la campagne 2024-2025, qui a débuté le 5 décembre 2024 et se terminera le 30 avril 2025. Ces conditions ont été déterminées après les délibérations de l’Interprofession Soja, a mentionné le compte rendu. Les prix de vente du soja pour cette campagne sont les suivants : Soja grain conventionnel : 275 Fcfa/Kg, avec une charge de 5 Fcfa/Kg pour les fonctions critiques ; soja grain biologique : 325 Fcfa/Kg, avec une charge de 5 Fcfa/Kg pour les fonctions critiques. Cette campagne se déroule dans un contexte de forte croissance de la production nationale, estimée à 520 929 tonnes pour la campagne 2023-2024, selon le Conseil des ministres. Cependant, face aux risques de pratiques frauduleuses liées à l’exportation illicite vers les pays voisins, le Conseil des ministres a rappelé l’importance de respecter strictement l’interdiction d’exportation du soja par voie terrestre. Cette mesure vise, selon le gouvernement, à protéger la filière soja, à soutenir l’industrialisation et à garantir la création d’emplois au Bénin. Malik SOULEMANE

Agriculture, Agrobusiness, Environnement

FLAMBÉE DES PRIX DES PRODUITS AGRICOLES : Les fêtes de fin d’année trop salées pour les ménages

Alors que les fêtes de fin d’année approchent, les prix des produits agricoles s’envolent, mettant en péril les préparatifs culinaires des ménages béninois. Entre hausse vertigineuse des produits maraîchers et disparités régionales marquées, la flambée des prix reflète les défis structurels du marché agricole national. Ulrich DADO TOSSOU Les étals des marchés béninois racontent une histoire d’inflation, où les produits agricoles échappent peu à peu au pouvoir d’achat des ménages. Selon les données récentes de l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad) publié le 10 décembre 2024, les prix des produits maraîchers, notamment le piment frais, ont enregistrés une hausse vertigineuse dans la période du 25 novembre au 1er décembre. À Cotonou, le prix du piment a bondi de 22,8 % en une semaine ; suive de Natitingou avec une augmentation de 21,7%. Porto-Novo et Parakou ont également subi cette hausse, avec respectivement 17,9% et 17,4%. La tomate fraîche, un autre produit phare des marchés, affiche une augmentation de 13,1 % à Cotonou. Ces augmentations traduisent les tensions dans les chaînes de production et de distribution, exacerbées par des conditions climatiques défavorables et une gestion insuffisante des stocks. Les tubercules, tels que les ignames, subissent également la pression inflationniste. À Cotonou, leur prix moyen a grimpé de 13,5 %, variant entre 130 et 694 FCFA le kilogramme selon les régions. Ces écarts importants mettent en évidence les disparités régionales et les défis logistiques qui impactent la distribution. Face à cette volatilité, les céréales comme le riz, le sorgho et le mil offrent un certain répit. Leurs prix sont restés constants dans les principales villes du pays, permettant aux consommateurs de diversifier leurs choix alimentaires malgré les hausses ailleurs. Les fluctuations actuelles des prix soulèvent des interrogations sur les facteurs structurels qui perturbent le marché agricole : les aléas climatiques, marqués par des poches de sécheresse et des pluies irrégulières ; l’insuffisance des infrastructures de stockage et de transformation des produits agricoles ; et la multiplicité des intermédiaires dans la chaîne de distribution, qui contribue à l’instabilité des prix. Dans ce contexte, les ménages doivent ajuster leurs priorités et faire preuve de créativité dans leurs choix alimentaires. Pour une solution durable, des actions doivent être entreprises à plusieurs niveaux, notamment un soutien renforcé aux producteurs locaux pour accroître leur résilience face aux aléas, la modernisation des infrastructures agricoles comme les entrepôts de stockage, et la simplification des chaînes de distribution pour réduire les écarts de prix régionaux. Alors que les familles se préparent pour les festivités, les défis économiques rappellent l’urgence d’une réforme en profondeur du secteur agricole pour garantir la sécurité alimentaire et le bien-être des ménages.

Agriculture, Agrobusiness

DIVERSITÉ VÉGÉTALE FACE AUX DEFIS CLIMATIQUES : Un atout majeur pour la protection des cultures en Afrique

Une équipe internationale de chercheurs, comprenant des experts de Tanzanie, de Sierra Leone, de Guinée, d’Éthiopie, du Sénégal, du Royaume-Uni, des États-Unis, du Brésil, de Bolivie, de Colombie, de Suède, d’Italie et de France, a récemment réalisé une étude sur les bienfaits de la diversité végétale pour la protection des cultures agricoles. Cette étude, publiée en septembre 2024 dans la revue « Nature Sustainability », se penche sur les défis liés à la conservation in situ de l’agrobiodiversité et sur les stratégies de financement nécessaires pour soutenir ces initiatives à long terme. Mouleykatou SOULEYMANE Le botaniste et expert en écologie des communautés végétales à l’Université Faya Julien Simbiano, souligne l’importance des espèces sauvages pour maintenir l’équilibre entre les besoins alimentaires humains et la préservation des écosystèmes. « Cette approche est essentielle pour une agriculture durable, surtout face aux effets néfastes de l’activité humaine qui modifient les écosystèmes naturels », déclare Simbiano, co-auteur de l’étude. En Afrique centrale et de l’Ouest, les efforts de conservation de la biodiversité visant à améliorer la productivité agricole ont parfois donné des résultats décevants, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (Fao). Les chercheurs recommandent donc des stratégies spécifiques, y compris la préservation des espèces végétales menacées par la pression humaine et climatique, tant in situ qu’ex situ. Au Rwanda, la conservation de la faune et de la flore sauvages est encouragée pour promouvoir des pratiques agricoles durables, améliorer la productivité et garantir la sécurité alimentaire. L’impact des pratiques agricoles sur le changement climatique, particulièrement en Afrique centrale et de l’Ouest, est bien documenté, et il est essentiel d’adapter les méthodes de production traditionnelles pour limiter leurs effets environnementaux. L’importance des pratiques traditionnelles L’étude met également en lumière la pression exercée par l’activité humaine et le changement climatique sur les terres et ressources naturelles en Afrique de l’Ouest et centrale, menaçant la viabilité économique et écologique de l’agriculture. Bien que certaines techniques aient permis d’améliorer les rendements, les chercheurs estiment que l’agro-biodiversité doit être mieux intégrée dans les politiques nationales et sous-régionales de gestion des terres. « Une reconnaissance appropriée des connaissances et des pratiques autochtones et traditionnelles est essentielle pour diversifier les pratiques agricoles et garantir la durabilité à long terme », affirme Dr James Borrell, chercheur aux Jardins botaniques royaux de Kew (Royaume-Uni) et co-auteur de l’étude. Bien que le climat de la région favorise une agriculture diversifiée, les irrégularités climatiques fragilisent le secteur et affectent la stabilité des rendements agricoles. Les chercheurs estiment que la diversification agricole est essentielle pour la transition agroécologique, car elle permet d’améliorer la sécurité alimentaire, de renforcer la nutrition et de préserver les ressources naturelles tout en contribuant à l’atténuation du changement climatique. Intégration de la faune et de la flore sauvages dans l’agriculture Dr Abdou Gado Fanna, enseignante-chercheuse à la Faculté d’Agronomie de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger), insiste sur le fait que la diversité des pratiques agricoles est l’une des causes principales de la perte de biodiversité en Afrique, notamment au Sahel. « Il est crucial de protéger et de valoriser la diversité écologique du Niger, ainsi que d’intégrer la faune sauvage dans une agriculture productive pour restaurer les écosystèmes », déclare-t-elle. Le secteur agricole génère actuellement des revenus bien plus importants que celui de la conservation, avec un chiffre d’affaires dépassant 817 milliards de dollars par an entre 2019 et 2021, provenant de 54 pays en développement. Sophie Jago, chercheuse aux Jardins botaniques royaux de Kew et auteure principale de l’étude, propose d’allouer une partie de ces fonds à des programmes de conservation de l’agro-biodiversité. Cela permettrait de soutenir les pays riches en biodiversité, comme ceux du bassin du Congo, dans leurs efforts de réensauvagement et de répondre aux objectifs internationaux de conservation. Source : vivafrik.com

Environnement

AMÉNAGEMENT ET BITUMAGE DE LA ROUTE KOTA-KOUANDÉ : Quel impact pour la productivité agricole de la commune ?

L’infrastructure routière est un facteur clé de développement pour les zones rurales, et la construction de la route Kota-Kouandé, longue de 43,5 km, est un exemple frappant de ce potentiel. En facilitant la circulation des biens et des personnes, cette route devrait transformer profondément l’économie des communes de Kouandé, Kérou et Péhunco, en particulier pour les producteurs agricoles. Avec des productions variées telles que l’arachide, le soja, le niébé et le coton, la route promet d’améliorer l’écoulement des produits et d’encourager la croissance économique locale, répondant ainsi à un besoin crucial pour les populations de cette région du Bénin. Ulrich DADO TOSSOU La route Kota-Kouandé, longue de 43,5 km et en pleine construction, pourrait bien être le catalyseur attendu pour transformer l’économie de la région. Cette infrastructure, longtemps espérée par les habitants des communes de Kouandé, Kérou et Péhunco, représente bien plus qu’un simple moyen de transport. Elle pourrait avoir un impact majeur sur l’agriculture locale, un secteur clé pour cette zone, en facilitant l’accès aux marchés et en réduisant les coûts de transport. Les productions agricoles locales, notamment l’arachide, le soja, le niébé et le coton, sont à la fois abondantes et variées, mais leur écoulement reste un défi majeur en raison de l’enclavement des zones rurales. La production d’arachides, par exemple, a connu des pics de 12 123 tonnes en 2017-2018 avant de redescendre à 4 301 tonnes en 2020-2021, illustrant l’instabilité des rendements. Une meilleure infrastructure routière pourrait jouer un rôle crucial dans la stabilisation de ces rendements en facilitant l’accès aux marchés et en réduisant les pertes post-récolte dues à des routes impraticables. Le soja, qui a également enregistré des hauts et des bas, pourrait connaître une reprise. Le soja, dont la production a culminé à 8 431 tonnes en 2019-2020, a encore un grand potentiel de croissance. Une meilleure connectivité permettra aux producteurs d’atteindre plus facilement les marchés de consommation, renforçant ainsi la rentabilité de cette culture à forte valeur ajoutée. Le niébé, essentiel pour la sécurité alimentaire locale, bénéficierait également de la route en réduisant les risques de gaspillage et en ouvrant de nouveaux marchés. Quant au coton, culture emblématique de la région, il pourrait voir son écoulement vers les usines de transformation et les marchés se fluidifier, réduisant ainsi les pertes post-récolte et augmentant la compétitivité du coton de Kouandé. Au-delà de l’agriculture, cette route pourrait stimuler d’autres secteurs économiques. L’amélioration de la connectivité favorisera les échanges commerciaux et facilitera l’accès aux services essentiels, notamment la santé et l’éducation. De plus, la région pourrait devenir plus attractive pour les investisseurs, en particulier dans l’agro-industrie et la transformation des produits agricoles. Ainsi, la route Kota-Kouandé représente une véritable opportunité pour les communes de Kouandé, Kérou et Péhunco. Si son potentiel est bien exploité et que des mesures d’accompagnement sont mises en place, notamment pour soutenir les producteurs et renforcer la transformation locale, cette infrastructure pourrait jouer un rôle déterminant dans le développement économique et social de la région.

Agriculture, Agrobusiness

RESTRICTIONS AUTOUR DES PRODUITS AGRICOLES AU BÉNIN : Le Soja, plus que le chanvre indien ?

La commercialisation du soja au Bénin, un produit important de l’agriculture nationale, est au cœur d’une vive controverse, notamment en ce qui concerne les nouvelles mesures prises par le gouvernement et l’interprofession pour la campagne agricole 2024-2025. En effet, la mise en place d’une fiche de convoyage du soja des champs vers la maison soulève scepticisme et méfiance sur le terrain, chez les producteurs et dans les marchés villageois. Malik SOULEMANE Depuis l’adoption d’un décret en 2023 exigeant la mise en place d’une fiche de convoyage pour tout chargement de soja, la situation s’est tendue entre les producteurs, les commerçants et les autorités publiques. Une mesure qui, selon les acteurs du secteur, est perçue comme un frein au bon déroulement de la campagne et un obstacle à la libre commercialisation de ce produit. L’introduction de ce décret pris par l’État en 2023 a en effet donné naissance à de vives discussions. Celui-ci impose aux acteurs de la filière soja de se rapprocher des unités douanières pour récupérer des fiches de convoyage avant toute opération de commercialisation. Ce dispositif, qui était censé réguler et organiser la filière, n’a pas été bien accueilli par l’ensemble des parties prenantes, notamment les producteurs et certains commerçants. Steeve Adjaman, président de l’Union nationale des coopératives de producteurs de soja (Uncps), a expliqué lors du grand direct de la radio Sêdohoun d’Agbotagon le 10 décembre 2024, que la controverse autour de cette mesure réside avant tout dans l’interprétation de cette nouvelle régulation. Selon lui, « ce que les gens disent un peu partout, c’est par rapport au décret qui a été pris en 2023 par l’État qui demande aux gens de faire le rapprochement avec des fiches que nous devons aller prendre au niveau des douanes ». Une exigence qu’il qualifie de mal comprise par certains, mais qu’il justifie par le besoin d’organiser la filière après l’absence d’une interprofession claire jusqu’alors. Le président de l’Uncps a également tenu à rappeler que la problématique ne venait pas des producteurs eux-mêmes. « Ce ne sont pas les producteurs qui crient. Nous, nous ne savons pas quel intérêt ils ont », a-t-il affirmé, soulignant que les producteurs de soja étaient prêts à coopérer si la mesure était bien expliquée et si elle avait un sens pour eux. Les commerçants et l’absence d’un dispositif de soutien La problématique soulevée par Steeve Adjaman met en lumière une autre difficulté : l’absence d’un dispositif de soutien efficace pour les commerçants de soja. Selon lui, « ce qu’on a refusé, c’est qu’on a dit que les commerçants ne vont plus rester dans le dispositif parce qu’ils ne prennent aucun risque avec les acteurs. » Ce point semble être un des principaux moteurs de la polémique. Un climat de méfiance Le climat autour de cette nouvelle réglementation semble tendu sur le terrain, notamment dans la commune de N’Dali, une zone agricole où la culture du soja est particulièrement développée. Les producteurs de la localité, comme Djobo, un producteur de soja, ont exprimé leur scepticisme face à ces mesures, les qualifiant de « non réalistes et inopérantes sur le terrain ». Il ajoute qu’ils « n’en tiendront pas compte » et qu’il s’agit uniquement « d’un effet de communication », laissant entendre que la mesure risquait de ne pas avoir d’impact concret sur les pratiques agricoles locales. Pourtant, certains responsables, comme Seidou, président d’une coopérative de producteurs de N’Dali, tentent de calmer le jeu. Selon lui, « nous avons été sensibilisés à intégrer les coopératives, mais les producteurs n’aiment pas qu’on fasse les choses dans la douceur avec eux. Mais cette fois-ci ils comprendront. » Il est clair que, même si certains producteurs sont réfractaires, les autorités tentent d’organiser une transition vers un système plus structuré de commercialisation. Cependant, sur le terrain, la réalité semble différente. Dans les marchés villageois de N’Dali, la mesure semble avoir déjà eu des effets notables : « Aucun grain de soja ne s’y trouve. Tout ce qu’on voit dans les marchés c’est le maïs », constate votre journal. Cette situation soulève des inquiétudes quant à la viabilité de la campagne de soja et à la capacité des autorités à faire respecter leurs mesures dans un contexte où les acteurs du secteur manquent de confiance. La fiche de convoyage et ses implications Le décret en question fait référence à une note de service Nds n°0122/Dgd/Dlc du 2 mars 2022, qui stipule que « tout chargement de soja ou de cajou doit être accompagné d’une fiche de convoyage, y compris les opérations de rapprochement ». La fiche de convoyage, gratuite et disponible dans les unités douanières et les organisations faîtières, vise à assurer la traçabilité et la régulation des produits agricoles. Cette note, bien que formulée de manière officielle, semble néanmoins peu comprise par les producteurs et commerçants, qui redoutent sa mise en application effective. La question de la faisabilité et de l’efficacité de cette mesure est donc centrale dans les discussions actuelles. Les producteurs, notamment ceux de N’Dali, expriment leurs doutes sur la capacité des autorités à imposer cette nouvelle règle tout en maintenant un marché libre et fluide. Une mesure à réévaluer ? La polémique autour de la commercialisation du soja au Bénin pour la campagne 2024-2025 soulève des questions sur l’efficacité des nouvelles régulations dans un secteur déjà fragilisé par des pratiques informelles et une organisation peu structurée. Bien que le gouvernement cherche à rationaliser et organiser la filière soja, la mesure semble entraîner plus de confusion que de solutions, notamment en raison d’un manque de dialogue entre les autorités et les acteurs locaux. Face à cette situation, il apparaît essentiel que le gouvernement réévalue ses mesures et engage un dialogue plus poussé avec les producteurs et les commerçants. Seul un cadre d’accompagnement plus clair et plus adapté à la réalité du terrain pourrait permettre à la filière soja de se développer de manière durable et prospère.

Agriculture, Agrobusiness

MARCHÉ DE JUS DE FRUITS ET COCKTAILS AU BÉNIN :Avec El Gusto, Faouziyatou fait découvrir un autre goût local

À 23 ans, Faouziyatou Bani Gani, promotrice de l’entreprise agroalimentaire El Gusto, se distingue par son parcours impressionnant dans un secteur en constante évolution. Originaire de Banikoara, dans le nord du Bénin, elle a su transformer sa passion pour la nutrition et la technologie alimentaire en un projet entrepreneurial innovant. El Gusto, spécialisé dans la production de jus de fruits et le service de bar à cocktails, incarne l’aboutissement de plusieurs années de travail et de sacrifices. Voici le récit de son parcours, de ses débuts modestes à la gestion de son entreprise actuelle. Mouleykatou SOULEYMANE Après l’obtention de son Brevet d’étude premier cycle (Bepc), Faouziyatou Bani continue des études en nutrition et technologie alimentaire, au lycée agricole de Barienou à Djougou où elle obtient son Diplôme d’Études en Agriculture tropicale (Deat) en 2019. Avant de poursuivre à la Faculté d’agronomie de l’Université de Parakou (Up) où elle obtient sa licence en technologie alimentaires en 2022. Ces formations solides ont constitué la base de son expertise dans l’agroalimentaire, une spécialité qu’elle a su valoriser dans son projet entrepreneurial. Ses premiers pas dans le monde du travail la mènent à l’Association Bénin Soja (Abs), où elle était chargée de collecter des informations sur les coopératives villageoises de femmes transformatrices de soja. Bien que cette expérience lui ait permis de découvrir les réalités du terrain, elle ne répondait pas aux aspirations profondes de la jeune femme. « Je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais, » confie-t-elle. L’expérience de six mois chez Abs devient donc un déclencheur, une prise de conscience qui la pousse à se réorienter vers l’entrepreneuriat. Naissance d’El Gusto C’est ainsi qu’en 2021, avec un modeste budget de 50 000 Fcfa, Faouziyatou Bani cré son entreprise El Gusto qui signifie la saveur, le goût en Latin. Son idée ? Créer des jus de fruits frais, faits maison, sans additifs ni colorants. Elle commence modestement avec un cocktail d’ananas gingembre qu’elle avait créé pour son propre plaisir. Ce mélange, qu’elle consommait elle-même, rencontre un grand succès auprès de son entourage qui l’encourage à en produire en grande quantité pour la commercialisation. Les premiers pas sont timides, mais El Gusto trouve son public. Ingénieuse la jeune entrepreneure se procure des machines à crédit, auprès d’un de ses anciens professeurs pour augmenter sa production. Crédit qu’elle rembourseras peu à peu. Son activité prend de l’ampleur, toutefois, Faouziyatou Bani se rend vite compte que le marché des jus de fruits est saturé, ce qui la pousse à réfléchir à une manière de se démarquer. L’innovation : le bar à cocktails pour événements Face à la concurrence, elle décide de se réinventer en proposant un concept innovant : le service de bar à cocktails, un concept bien implanté dans le sud du Bénin mais encore inédit dans le nord. Ce service consiste à offrir des jus naturels et des cocktails personnalisés, extraits instantanément devant le client. El Gusto se distingue ainsi en apportant une valeur ajoutée, un cachet spécial à des événements comme les mariages, baptêmes ou anniversaires, en proposant des boissons fraîches, naturelles et sur mesure, à base de fruits comme la goyave, la pastèque, l’ananas. Ce service, bien que nécessitant un investissement en matériel, permet de contourner les lourdes démarches administratives et financières liées à l’autorisation de mise sur le marché des produits alimentaires, auxquelles sont confrontés les entrepreneurs du secteur. Les clients peuvent ainsi déguster des jus et cocktails préparés à la demande, en toute fraîcheur, ce qui confère à chaque événement une touche particulière. Les défis de l’entrepreneuriat Malgré les succès, l’entrepreneuriat n’est pas un long fleuve tranquille. La jeune maman entrepreneure de 23 ans se heurte à plusieurs défis, principalement liés au financement et à l’équilibre entre sa vie professionnelle et familiale. « Le financement reste un grand défi. L’accès au marché est également compliqué, surtout pour les femmes entrepreneures », explique-t-elle. Bien que l’activité de El Gusto commence à décoller, l’entrepreneure n’en vit pas encore pleinement. La conciliation de la vie familiale avec l’activité entrepreneuriale est également une source de stress. « C’est vraiment compliqué, surtout quand tu es mère de famille », confie-t-elle, soulignant les difficultés de jongler entre les responsabilités domestiques et professionnelles. Malgré ces obstacles, Faouziyatou Bani reste optimiste et déterminée. « La persévérance, la curiosité et l’ambition sont trois valeurs qui me définissent », affirme-t-elle. Sa vision claire et son ambition la poussent à aller de l’avant, même dans les moments difficiles. « Je ne lâche pas. Quand ça ne marche pas ici, je fais tout pour contourner et trouver une solution. La vie appartient à ceux qui n’abandonnent pas », ajoute-t-elle. Fort de son expérience la jeune entrepreneure conseil les jeunes et les femmes désireux de développer leur propre entreprise de prendre le temps de se constituer un fond de roulement, même si cela implique d’avoir pendant un certain temps ou à temps partiel un emploi salariale. Parce que l’entrepreneuriat ça demande du financement, de l’investissement en temps et en argent. « Ça demande beaucoup de sacrifices, du temps, du courage aussi. Et n’ayez pas honte de pleurer parce que quand on est entrepreneur, tout au début on pleure beaucoup. Parce que tu peux investir, ça ne va pas donner », confie-t-elle. Aujourd’hui, El Gusto avec son concept innovant se développe peu à peu, grâce à l’engagement de sa fondatrice et au bouche-à-oreille. Avec une présence marquée sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Instagram, l’entreprise bénéficie d’une visibilité croissante. L’avenir semble prometteur pour cette jeune entrepreneure, qui espère pouvoir vivre entièrement de son activité dans un avenir proche. Si l’entrepreneuriat peut être semé d’embûches, l’histoire de Faouziyatou Bani prouve que, avec de la persévérance et une vision claire, tout est possible. En attendant, El Gusto continue d’embellir les événements des populations de la cité des Kobourou, tout en étant un exemple de réussite pour de nombreux jeunes entrepreneurs du pays.

Agriculture et chiffres

SÉNÉGAL: Un investissement de 55 millions d’euros pour dynamiser l’agriculture dans neuf régions

Le Sénégal franchit une nouvelle étape dans sa quête d’une agriculture durable et inclusive. Avec un financement de 55,33 millions d’euros approuvé par la Banque africaine de développement (Bad), la deuxième phase du Projet de valorisation des eaux pour le développement des chaînes de valeur (Provale Cv-2) ambitionne d’améliorer la production agricole, de promouvoir l’emploi et de renforcer les revenus dans neuf régions du pays, tout en misant sur une meilleure gestion des ressources en eau. Ulrich DADO TOSSOU Face aux défis agricoles et climatiques, le Sénégal mise sur l’innovation et l’investissement pour transformer son agriculture et stimuler son économie. Le 2 décembre 2024, la Banque africaine de développement (Bad) a approuvé un financement de 55,33 millions d’euros pour la deuxième phase du Projet de valorisation des eaux pour le développement des chaînes de valeur (Provale Cv-2). Ce programme ambitieux vise à augmenter la production agricole, créer des emplois et améliorer les revenus dans neuf régions clés du pays. Fort des résultats encourageants de la première phase, le Provale Cv-2 étend désormais ses actions à la région de Louga, en plus des huit régions initiales. « Les résultats satisfaisants obtenus par la première phase ont fait naître de nouveaux défis, notamment l’accompagnement des jeunes et des femmes pour valoriser au mieux les investissements réalisés », a expliqué Mohamed Chérif, responsable du bureau pays de la Bad au Sénégal. Ce projet s’attaque à deux grands enjeux : l’amélioration des infrastructures agricoles et la promotion de l’entrepreneuriat, en s’appuyant sur une meilleure mobilisation des eaux de surface et souterraines. Le Provale Cv-2 prévoit des aménagements agricoles conséquents, notamment l’aménagement de 9 000 hectares de terres, dont 1 950 hectares pour la restauration de terres salées et 450 hectares de périmètres maraîchers collectifs. Il prévoit également la réhabilitation de 15 périmètres irrigués, la construction de 10 points d’eau pastoraux alimentés par énergie solaire, ainsi que la création de 20 kilomètres de réseaux d’alimentation en eau potable. Par ailleurs, des infrastructures logistiques seront développées, avec la réhabilitation de 130 kilomètres de pistes agricoles, la construction de 20 magasins de stockage de 100 tonnes chacun, et de 4 centres de groupage équipés de chambres froides (300 à 500 tonnes chacun). L’une des priorités du projet est de renforcer l’autonomisation économique des jeunes et des femmes, en développant l’entrepreneuriat agricole. Ainsi, 1 250 fermes seront créées, représentant 2 000 hectares exploités. Des 40 centres de mécanisation agricole et 50 unités de transformation seront mis en place, tous alimentés par énergie solaire. Le projet soutiendra également 180 unités d’élevage et 60 fermes aquacoles, diversifiant ainsi les activités économiques. Avec une couverture élargie à neuf régions, notamment Louga, Thiès, Kaolack, Fatick, Kaffrine, Diourbel, Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, le projet bénéficiera directement à près de 57 000 ménages, soit environ 570 000 personnes. En investissant dans des solutions modernes et durables, il vise à améliorer les conditions de vie des populations rurales tout en stimulant la productivité agricole. Le Provale Cv-2 s’inscrit dans les efforts du Sénégal pour relever les défis de la sécurité alimentaire et de la résilience climatique. Avec le soutien de la Bad, ce projet symbolise une volonté ferme de transformer l’agriculture sénégalaise en un levier de développement inclusif et durable.

Agrobusiness, Nutrition et Santé

CROISSANCE DU COMMERCE DES PRODUITS AGRICOLES SUR LA NUTRITION: Le progrès qui accentue la malnutrition dans les pays sous-développés

Le commerce agricole mondial est à la croisée des chemins : alors qu’il favorise l’accès à une alimentation diversifiée, il alimente également des pratiques alimentaires qui menacent la santé publique. Face à l’essor des produits ultra-transformés et à la double charge nutritionnelle dans les pays en développement, le rapport 2024 de la Fao propose des solutions pour harmoniser commerce et nutrition, un enjeu crucial pour garantir des systèmes alimentaires durables. Ulrich DADO TOSSOU Le commerce agricole, moteur de progrès, peut aussi devenir le terreau de nouvelles crises sanitaires si ses impacts nutritionnels ne sont pas maîtrisés. Depuis deux décennies, l’essor du commerce des produits agricoles a bouleversé les régimes alimentaires à travers le monde, offrant des opportunités pour diversifier l’alimentation, mais exposant aussi les populations à de nouveaux risques. Le rapport 2024 de la Fao sur « The State of Agricultural Commodity Markets » explore ces dynamiques complexes et propose des solutions pour mieux aligner commerce et nutrition. Une dynamique paradoxale L’analyse de la Fao montre que le commerce agricole a permis de combler certaines lacunes nutritionnelles, notamment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’accès à des aliments riches en micronutriments comme le calcium ou la vitamine A s’est amélioré grâce aux importations. Cependant, cette ouverture a aussi entraîné une explosion de la consommation d’aliments ultra-transformés. Riches en sucres, graisses saturées et sel, ces produits contribuent à l’augmentation des maladies non transmissibles, telles que l’obésité et le diabète. Ce paradoxe est particulièrement visible dans les pays en développement, où la double charge nutritionnelle persiste : des communautés continuent de souffrir de malnutrition chronique, tandis que d’autres voient les cas de surpoids et d’obésité augmenter. Cette situation met en évidence les effets contradictoires du commerce sur les habitudes alimentaires mondiales. Dans toute autre pays de l’Afrique subsaharienne, notamment le Bénin, les importations alimentaires ont permis une meilleure diversité alimentaire, notamment dans les zones urbaines. Cependant, les aliments ultra-transformés, souvent plus abordables, dominent les marchés au détriment des produits locaux comme les fruits et légumes. Ces derniers, pourtant essentiels pour une alimentation équilibrée, restent coûteux et moins accessibles, notamment pour les populations rurales. Alors que ces pays poursuivent leurs transitions nutritionnelles, ils font face à un défi majeur : comment tirer parti des avantages du commerce sans compromettre la santé publique ? La dépendance croissante aux produits importés, souvent de faible qualité nutritionnelle, pose la question de l’impact durable de ces choix sur les générations futures. Des solutions pour réconcilier commerce et nutrition Pour inverser cette tendance, le rapport de la Fao propose des mesures concrètes. Parmi elles, la taxation des aliments ultra-transformés et la mise en place d’un étiquetage nutritionnel clair pour informer les consommateurs. Ces initiatives peuvent encourager des choix alimentaires plus sains tout en réduisant l’attrait des produits transformés. En parallèle, promouvoir la production locale de produits nutritifs, comme les fruits et légumes, est essentiel. En soutenant les agriculteurs locaux et en facilitant l’accès à ces aliments pour les populations, le Bénin peut réduire sa dépendance aux importations et renforcer son économie. La sensibilisation des citoyens aux bienfaits d’une alimentation équilibrée doit également jouer un rôle central. Un appel à l’action Le commerce agricole, s’il est bien encadré, peut devenir un outil puissant pour transformer les systèmes alimentaires mondiaux. Cependant, pour que ses bénéfices l’emportent sur ses risques, les pays doivent adopter une approche proactive et cohérente. Intégrer les objectifs nutritionnels dans les politiques commerciales n’est plus une option, mais une nécessité. Pour ces pays comme le Bénin, il s’agit d’une opportunité unique de renforcer sa résilience alimentaire tout en améliorant la santé publique. En repensant ses stratégies, le pays peut non seulement répondre aux défis actuels, mais aussi garantir un avenir plus sain et durable pour ses populations. Le commerce agricole doit évoluer pour soutenir des régimes alimentaires qui, à la fois, nourrissent et protègent.

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