Daabaaru Agri

BENIN/FEMME ET AGRICULTURE: L’incroyable aventure de Dorcas Akouété, une Amazone passionnée vers la prospérité

Plongez dans l’histoire captivante d’une entrepreneure agricole passionnée qui a transformé sa passion pour la terre en une entreprise florissante. Découvrez son parcours inspirant, ses défis surmontés et ses secrets de réussite dans un monde souvent dominé par les hommes. Préparez-vous à être inspirés par le récit palpitant d’une femme qui a frayé son propre chemin vers le succès.

Mouleykatou SOULEYMANE

Daabaaru Agri : Présentez-vous brièvement et expliquer votre parcours académique s’il vous plaît

Dorcas Akouété : Je suis Madoué Joanita Dorcas Akouété. Je suis ingénieure agronome et promotrice de l’entreprise Terre d’Amazone. Après le baccalauréat, je me suis inscrite à la Faculté d’Agronomie de l’Université de Parakou où j’ai obtenu la licence professionnelle et le master en production animale et halieutique. Après cela, j’ai eu à faire des cours en ligne et je continue de me former en ligne sur l’environnement et l’agroécologie. Donc, je continue de me former dans tous ces domaines qui sont proches de mon secteur d’activité, pour pouvoir m’adapter et être plus résiliente.

Quelle a été votre parcours professionnel avant de devenir entrepreneure agricole ?

Alors, quand j’étais en master, j’avais fait quelques mois de vacations au Lycée technique agricole de Kika (Lta Kika), en 2015. J’ai donné des cours de pisciculture. En 2017 et 2018, j’ai accompagné le cabinet “Al Prince’’ dans le cadre de la réinsertion des jeunes en agriculture, sur un mois de formation théorique et pratique. La première édition s’est passé sur la ferme, « Fermier sans frontière » en 2017. Et la deuxième en 2018 sur la ferme de Monsieur Assankpon Léonce à Baka.

J’ai travaillé aussi avec l’Ong “Espoir pour tous’’. Ils me sollicitent très souvent pour donner des formations en maraîchage pour les paysans et autre. Par ailleurs, j’ai eu à donner quelques cours de renforcement aux ouvriers de l’établissement « Aux Délices de la Nature » en 2019. Et même en étant entrepreneur agricole aujourd’hui, je n’hésite pas quand le besoin se fait sentir de donner des formations ou bien de faire des coachings et autres.

Quelles ont été vos principales motivations pour vous lancer dans l’entrepreneuriat agricole ?

Je suis née dans une famille d’entrepreneurs. Mon père est opérateur économique et feu ma mère, était restauratrice. Mes parents sont mes premiers modèles pour devenir indépendante, je suis fière de cet héritage familial. J’aspirais à prendre un jour les rennes de la ferme familiale Akouété et Fils, de part mon cursus. J’ai eu deux principaux déclics qui m’ont conduit à l’entreprenariat agricole. Le premier est survenu après la grande crise de 2014-2015 où nous avons presque tout perdu à la ferme, à cause de la mévente des œufs de table, dû à l’importation des œufs douteux et de la peste porcine. Cette situation m’a fait perdre l’engouement à poursuivre mes études en écotoxicologie aquatique. C’est ainsi que j’ai arrêté les études après mon master professionnel. Le second déclic, c’est quand j’ai réalisé que je pouvais trouver des solutions aux problèmes de mon entourage et qu’en travaillant activement sur mes recherches je contribuerai à réduire certains problèmes comme les pertes post récoltes (avec la production de purées de tomate, purée de piment, la production de farine d’akassa). C’est à partir de là que j’ai pris la décision de devenir entrepreneur à l’instar de mes parents.

En 2015, j’ai écrit mon premier plan d’affaires lors d’un concours de TechnoServe et mes premiers financements sont venu de ma famille (mon frère, mon père et feu ma mère qui m’avait beaucoup soutenue). Il faut dire que depuis ce temps, il n’y a rien qui puisse me démotiver dans cette activité.  Je peux dire qu’il n’y a pas meilleur métier que de travailler la terre pour nourrir la planète. Cela fait partie des premiers objectifs de développement durable, soit «zéro faim». Et c’est une fierté pour moi de dire que je participe à mon niveau à l’atteinte de cet objectif.

Pouvez-vous nous parler de votre entreprise agricole et de ses principales activités (et/ou produits) ?

Terre d’Amazone a été créé en 2019. J’avais postulé au programme de la Fondation Tony Elumelu et j’ai bénéficié du soutien de la Fondation. Nous sommes une entreprise agricole spécialisée en production animale et végétale, en transformation et en commercialisation de tout ce que nous produisons de façon naturelle. Nous faisons le grand champ; maïs, soja, un peu de manioc. Et nous expérimentons les nouvelles spécificités comme le tournesol et le tout petit sésame. Au niveau de la production animale, nous élevons les porcs, la volaille, les petit ruminants. Les goliath et les coquelets sont spécifiquement pour les fêtes de fin d’année.

Nous faisons également le maraîchage, les fruits et légumes. Actuellement, nous avons l’amarante, la corète potagère et le gombo. En ce qui concerne le volet transformation, c’est à petite échelle. Nous faisons la transformation de céréales en amidon séché, spécialement celui du maïs. Nous utilisons que les céréales produits sur notre site sans engrais chimiques pour la transformation. Nous faisons également la transformation de la viande de porc en découpe et en rillettes de porc, le prototypage est déjà fini. On fait la promotion du porc sans gras. C’est-à-dire que l’épaisseur du lard doit être fine. Pour moi, produire les rillettes de porc, c’est l’innovation à accompagner.

Je fais aussi les coachings, les accompagnements. Egalement, nous avons deux activités agro-touristique que nous organisons à savoir ; Noël à la ferme et lundi de Pâques fermier. Il y a aussi d’autres activités qui sont prévus dans l’année, comme les week-ends à la ferme.

Avez-vous rencontré des défis spécifiques en tant que femme entrepreneure dans ce domaine ? Comment les avez-vous surmontés ?

Premier défi… Il y a la maternité, c’est carrément le parcours du combattant. Je ne peux pas beaucoup travailler. À moins de faire un travail intellectuel et de deléguer.

Il faut dire qu’au niveau de la production végétale, la transhumance nous dérange beaucoup. Les transhumants et leurs bêtes nous détruisent plants et récoltes. Franchement c’est un défi majeur. C’est vrai qu’il y a des lois qui ont été votées sur la transhumance et autres, qui interdisent les éleveurs de faire paître leurs bêtes dans les champs des agriculteurs, mais certains éleveurs récidivent. À chaque fois, il y a toujours problème. A cause de ça, nous avons dû abandonner la production de manioc. On a mis un verger de papayer, ils ont tout saccagé. Près de 1 500 pieds de papayer. On a fait du piment avec un système d’irrigation goutte-à-goutte, les bêtes ont mangés les pieds de piment en floraison. Maintenant quand on les prends, on attrape leurs bêtes. On les envoyait chez le délégué, mais on a commencé à les envoyer au commissariat de Sirarou, vue que notre arrondissement n’a toujours pas de poste de police. Et puis, il y a la gestion à l’amiable qui est faite. Mais ils sont têtus.

Une autre problématique qui se pose à nous c’est la faible couverture des réseaux mobiles Gsm. Nous avons raté des opportunités de marché à cause de la mauvaise connexion internet à la ferme. Je suis contrainte de descendre sur Parakou quand j’ai des conférences en ligne ou pour gérer ma visibilité sur les réseaux sociaux. Des stratégies sont également en train d’être peaufiner pour rester efficace malgré la qualité médiocre des réseaux mobiles à la ferme.

Un autre défi c’est le mauvais état de la route Stade municipale de Parakou et Bininsi, surtout le pont qui a cédé entre Dourbé et Atagara. En saison pluvieuse c’est un enfer de relier la ferme qui est à 15 kilomètres de Parakou à la ville, donc difficile de s’approvisionner en cette période. On est obligé de faire des stocks avant la saison pluvieuse.

Quelles sont vos initiatives en matière de durabilité et de protection de l’environnement dans votre entreprise ?

En terme de durabilité et protection de l’environnement nous avons initié l’opération « zéro sachet ». Nous ramassons tous les sachets plastiques, qui trainent sur notre site et aux alentours. Parce que cela tue même les cabris. Par ailleurs, nous produisons de l’engrais organique à partir des déjections décomposées des animaux et le compost, pour fertiliser nos champs et nos jardins. Réduisant ainsi au maximum l’apport en intrants chimiques. On valorise les sous-produits agricoles tels que les sons de soja, les farines de remoulage des moulins, qu’on donne à nos animaux. Egalement les restes de crin-crin quand on débarrasse les champs on les donne aux poulets. Les fruits qui sont gâtés dans le champ, on envoie ça au porc. Nous sommes un peu dans ce système, où rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ; la loi de Lavoisier. On promeut l’économie circulaire.

De plus, nous avons commencé à produire nos propre semences que nous allons utiliser pour les productions futures. Parce que je suis arrivé à un niveau où j’ai compris que pour avoir le rendement qu’il faut, il faut avoir la bonne semence. Actuellement nous travaillons sur la production de biopesticide maison. Le but est d’avoir un biopesticide qui va quand même aider à détruire certains ravageurs des plants. En fait, les matières organiques sont très efficaces sur les plants et ça permet aussi de restaurer les sols. Donner à manger au sol, lui rendre ce qu’il nous a donné. On pense qu’utiliser les engrais chimiques et autres c’est la façon la plus facile de faire. C’est vrai que tu vas voir le rendement en même temps. Mais à long terme, le sol ne vaut plus rien. Les sols sont en train de s’appauvrir. Et je crois que c’est le moment de recommander à nos parents de revenir encore aux systèmes agricoles familiaux où on produisait de façon naturelle. C’est vrai que ça ne sera pas facile parce qu’on est à l’ère de la modernisation. Modernisation, d’accord, mais quel sol laisserons nous pour les générations futures?

Quelles sont vos perspectives pour l’avenir de votre entreprise et du secteur agricole en général ?

Moi je veux être une référence. Surtout dans la production et en transformation agricole. Et j’axerai nos efforts au niveau de la production de qualité, la visibilité de l’entreprise et de ses produits avec le développement de nos biopesticides pour augmenter la qualité de nos produits. Le renforcement de la relation client. Le volet agrotouristique sera notre force pour la sensibilisation de la communautés et des enfants. Ainsi que participer à la restauration de nos sols en pensant à notre bien-être et à celui des générations futures.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes et femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat agricole ?

L’entrepreneuriat agricole est noble. On dit vouloir c’est pouvoir, mais ici, vouloir c’est avoir les reins solides, être passionné et persévérant. Moi je dis une chose, l’entrepreneuriat agricole va te faire couler des larmes. Il faut être prêt à relever les défis. Il faut être prêt à tout. Il ne faut pas rester dans son coin et dire que je veux entreprendre. Allez vers les autres. Parce que tout ce que nous faisons est déjà arrivé quelque part. Donc, il faut s’enquérir de comment les autres ont fait pour s’en sortir. Il faut s’armer surtout de persévérance. Cette année, ça n’a pas marché. Ça ne veut pas dire que l’année prochaine, ça ne va pas marcher. Et aussi, s’adapter aux défis climatiques. Être prêt à surmonter les difficultés qui arrivent. Ne pas abandonner au premier essai. Parce que l’entrepreneuriat agricole, même si tu es chef dedans, tu es baron dedans, il y a toujours des coups qui arrivent. Et il faut avoir le dos large pour accepter ces coups et avancer. Moi, j’encourage les jeunes à aller à l’agriculture, je les encourage sincèrement. Il y a énormément à faire, il y a de la place pour tout le monde. Et attention, l’agriculture ne se fait pas par procuration. La présence et le suivi sont indispensables. Ainsi que les stratégies à mettre en place pour développer son activité.

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