Auparavant cadre des finances, Emma Houndjo fait le pari gagnant de se lancer dans l’aviculture, dans la ville de Parakou. C’est notamment porté, par une volonté de passer plus de temps avec sa famille, qu’elle ose l’entrepreneuriat agricole. Dans cet article, découvrez le parcours inspirant de cette femme de valeur.
Mouleykatou SOULEYMANE
Daabaaru Agri : présentez-vous brièvement et expliquez votre parcours académique et professionnel s’il vous plaît
On me nomme Emma Mahoussi Houndjo épouse Onibon. Je suis gestionnaire de formation. J’ai exercé dans les microfinances pendant 10 ans avant de choisir de créer ma propre entreprise dénommée « Shilo Agrobusiness Center ».
Quelles ont été vos principales motivations pour vous lancer dans l’entrepreneuriat agricole ?
L’idée de création de mon entreprise m’est venue quand on a rejoint notre domicile à Bayerou où mon mari avait commencé par faire l’élevage des poulets locaux améliorés et tout ça. Alors je me suis dit, tiens, je peux me livrer à cette activité. Cela me permettra de plus rester à côté de mes enfants. Je me suis rendue à l’agence nationale pour l’emploi (Anpe) quand j’ai eu l’idée, histoire de voir si je pouvais avoir des renforcements de capacités puisque je n’étais pas du domaine, il fallait que je me fasse former également. l’Anpe m’a fait bénéficier d’un programme de renforcement de capacités où je suis allée sur une ferme à Hêvié, dans la commune d’Abomey-Calavi, pour me faire former. Une fois de retour, je suis repartie encore à l’Anpe où ils m’ont orienté vers les Business promotion center (Bpc) d’alors, où j’ai rédigé mon projet « Production des œufs de table dans la commune de Parakou » par le biais du Fonds national pour la promotion de l’entreprise et de l’emploi des jeunes (Fnpeej).
Le projet a été donc financé par le Fnpeej. C’est ainsi que j’ai commencé avec la production des œufs de table en 2015. J’ai reçu mes premiers 1000 poussins pondeuses que j’ai conduits. Cela m’a permis aujourd’hui d’avoir une ferme à Badekparou où nous produisons des œufs de table, en dehors de notre site qui se trouve à Bayerou. De 1000 têtes de pondeuses, nous sommes aujourd’hui à près de 10000 têtes de pondeuses sur nos sites.
Pouvez-vous nous parler de votre entreprise agricole et de ses principales activités (et/ou produits) ?
Pour ce qui est de nos activités, nous produisons les œufs de table, nous produisons de la volaille. Nous faisons également l’élevage des porcs. Ainsi que la production des légumes et fruits de façon naturelle sans engrais chimiques.
Avez-vous rencontré des défis spécifiques en tant que femme entrepreneure dans ce domaine ? Comment les avez-vous surmontés ?
L’agriculture est considérée comme la chose des hommes, le propre des hommes. Et effectivement, il y a des travaux qui nécessitent beaucoup plus d’effort physique. Quand j’étais à mes débuts, c’était compliqué. C’est un peu compliqué quand vous n’avez pas un homme à côté. Les hommes vous voient comme des êtres inférieurs. Ils se demandent si vous pouvez le faire, quand vous voulez mener des actions, prendre des responsabilités à des niveaux donnés. Les gens se demandent : est-ce que vous pouvez le faire ? Ce n’est pas facile. C’est quand on se met à la tâche, on commence par démontrer qu’on est aussi à la hauteur, qu’on peut, que petit à petit, on gagne la confiance des gens et on vous reconnaît votre place. Quand j’ai commencé, même mon époux me disait que c’est difficile, est-ce que je peux ? Et je lui disais que j’ai choisi de le faire, et je vais y arriver. Donc ça a été un défi pour moi d’arriver quand même à faire ce travail-là. Un autre défi est d’arriver à gérer un grand stock de matière première, principalement le maïs qui rentre dans la fabrication de notre provende, 50% de la production. Il faudrait qu’on dispose d’un bon fonds de roulement pour pouvoir faire le stockage de cette matière première indispensable pour la production de l’aliment de nos volailles. Dans tout ce qu’on fait, il est important d’avoir des objectifs, d’avoir une vision. Qu’on sache qu’on veut aller à tel endroit. Sinon vous allez être découragé, même par des proches. Mais quand vous avez une vision, vous mettez tout en œuvre pour pouvoir y arriver, accomplir ce que vous devez accomplir.
Quelles sont vos initiatives en matière de durabilité et de protection de l’environnement dans votre entreprise ?
Pour la pérennité, nous devons faire une agriculture intégrée. Nous voulons également valoriser nos déchets pour pouvoir produire de compost pour les maraîchers et produire de biogaz qui constituera une source d’énergie pour nous dans la production. Cela dans le but de contribuer à protéger l’environnement, notre environnement. C’est-à-dire en fabricant le compost, les maraîchers auront accès au compost organique et ne se rabattrons plus systématiquement sur les intrants chimiques. Les agriculteurs également, auront accès aux engrais organiques, ce qui facilitera la production agricole naturelle.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes et aux femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat agricole ?
La jeunesse a beaucoup à gagner à entreprendre dans la production animale ou végétale. Il y a encore le marché. Avec les mesures de l’État dans notre secteur aujourd’hui où il est dit «zéro importation» de volailles en 2025, je crois pertinemment que la jeunesse a à gagner beaucoup de choses en entreprenant dans le secteur. Et cela va créer de la richesse pour le pays et va réduire le taux de chômage au niveau de la jeunesse. Il faut forcément commencer quelque part. Il ne faut pas forcément attendre un financement avant de commencer. Quand nous on avait commencés, c’était sans financement. C’est parce qu’on a commencé quelque chose, que l’Anpe a vu, que j’ai bénéficié de ce programme de renforcement de capacités et après j’ai rédigé un projet pour financement. Si vous ne commencez pas quelque chose, on ne peut pas apprécier vos compétences et aptitudes. Donc je conseille aux jeunes et aux femmes qui souhaitent se lancer dans ce domaine, de se débrouiller avec le peu de moyens qu’ils ont, le reste va venir après. Je leur conseille de mettre de la détermination dans ce qu’ils font et de bien le faire. Quand moi-même j’ai commencé, j’ai eu un financement Fnpeej. Par le biais de ce financement, j’ai été nominé « Meilleur entrepreneur Fnpeej » en 2017. Ce qui m’a permis de construire un second poulailler. Suite à ça, j’ai postulé pour un autre programme de BéninBiz où j’ai été aussi identifié « Meilleur entrepreneur BeninBiz ». Là également, j’ai reçu des appuis. J’ai reçu des appuis aussi au niveau du Programme pour le développement de l’agro-business au Benin (Pedab). Ils sont venus, ils ont vu ce que je fais et tout ça a permis à l’entreprise de grandir et d’avoir la taille que nous avons aujourd’hui. Moi je ne regrette pas de me retrouver dans l’agriculture. Parce que non seulement, en tant que femme, c’était difficile pour moi d’aller au bureau et de revenir à n’importe quelle heure à la maison. Ce travail m’a permis d’être plus présente pour mes enfants, de produire de la richesse et de créer de l’emploi. Aujourd’hui, nous sommes une équipe de 8 personnes. J’emploie d’autres jeunes Techniciens très dynamiques qui travaillent avec moi.
Propos recueillis et transcrits par : Mouleykatou SOULEYMANE