Le commerce agricole mondial est à la croisée des chemins : alors qu’il favorise l’accès à une alimentation diversifiée, il alimente également des pratiques alimentaires qui menacent la santé publique. Face à l’essor des produits ultra-transformés et à la double charge nutritionnelle dans les pays en développement, le rapport 2024 de la Fao propose des solutions pour harmoniser commerce et nutrition, un enjeu crucial pour garantir des systèmes alimentaires durables.
Ulrich DADO TOSSOU
Le commerce agricole, moteur de progrès, peut aussi devenir le terreau de nouvelles crises sanitaires si ses impacts nutritionnels ne sont pas maîtrisés. Depuis deux décennies, l’essor du commerce des produits agricoles a bouleversé les régimes alimentaires à travers le monde, offrant des opportunités pour diversifier l’alimentation, mais exposant aussi les populations à de nouveaux risques. Le rapport 2024 de la Fao sur « The State of Agricultural Commodity Markets » explore ces dynamiques complexes et propose des solutions pour mieux aligner commerce et nutrition.
Une dynamique paradoxale
L’analyse de la Fao montre que le commerce agricole a permis de combler certaines lacunes nutritionnelles, notamment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’accès à des aliments riches en micronutriments comme le calcium ou la vitamine A s’est amélioré grâce aux importations. Cependant, cette ouverture a aussi entraîné une explosion de la consommation d’aliments ultra-transformés. Riches en sucres, graisses saturées et sel, ces produits contribuent à l’augmentation des maladies non transmissibles, telles que l’obésité et le diabète.
Ce paradoxe est particulièrement visible dans les pays en développement, où la double charge nutritionnelle persiste : des communautés continuent de souffrir de malnutrition chronique, tandis que d’autres voient les cas de surpoids et d’obésité augmenter. Cette situation met en évidence les effets contradictoires du commerce sur les habitudes alimentaires mondiales.
Dans toute autre pays de l’Afrique subsaharienne, notamment le Bénin, les importations alimentaires ont permis une meilleure diversité alimentaire, notamment dans les zones urbaines. Cependant, les aliments ultra-transformés, souvent plus abordables, dominent les marchés au détriment des produits locaux comme les fruits et légumes. Ces derniers, pourtant essentiels pour une alimentation équilibrée, restent coûteux et moins accessibles, notamment pour les populations rurales.
Alors que ces pays poursuivent leurs transitions nutritionnelles, ils font face à un défi majeur : comment tirer parti des avantages du commerce sans compromettre la santé publique ? La dépendance croissante aux produits importés, souvent de faible qualité nutritionnelle, pose la question de l’impact durable de ces choix sur les générations futures.
Des solutions pour réconcilier commerce et nutrition
Pour inverser cette tendance, le rapport de la Fao propose des mesures concrètes. Parmi elles, la taxation des aliments ultra-transformés et la mise en place d’un étiquetage nutritionnel clair pour informer les consommateurs. Ces initiatives peuvent encourager des choix alimentaires plus sains tout en réduisant l’attrait des produits transformés.
En parallèle, promouvoir la production locale de produits nutritifs, comme les fruits et légumes, est essentiel. En soutenant les agriculteurs locaux et en facilitant l’accès à ces aliments pour les populations, le Bénin peut réduire sa dépendance aux importations et renforcer son économie. La sensibilisation des citoyens aux bienfaits d’une alimentation équilibrée doit également jouer un rôle central.
Un appel à l’action
Le commerce agricole, s’il est bien encadré, peut devenir un outil puissant pour transformer les systèmes alimentaires mondiaux. Cependant, pour que ses bénéfices l’emportent sur ses risques, les pays doivent adopter une approche proactive et cohérente. Intégrer les objectifs nutritionnels dans les politiques commerciales n’est plus une option, mais une nécessité.
Pour ces pays comme le Bénin, il s’agit d’une opportunité unique de renforcer sa résilience alimentaire tout en améliorant la santé publique. En repensant ses stratégies, le pays peut non seulement répondre aux défis actuels, mais aussi garantir un avenir plus sain et durable pour ses populations. Le commerce agricole doit évoluer pour soutenir des régimes alimentaires qui, à la fois, nourrissent et protègent.