La chaîne d’approvisionnement du karité en Afrique de l’Ouest est bouleversée par des restrictions commerciales imposées au Burkina Faso et au Mali, plaçant le Bénin en première ligne d’une flambée des prix sans précédent. Alors que la demande internationale se reporte sur les producteurs béninois, les petites unités de transformation locales peinent à faire face à des coûts de plus en plus élevés, menaçant la stabilité de la filière et l’avenir des acteurs locaux.
Ulrich DADO TOSSOU
Pris en étau par des restrictions commerciales et une demande croissante, le secteur béninois du karité fait face à une crise inédite, où la flambée des prix met en péril les petits transformateurs et la stabilité du marché local. La récente décision du Burkina Faso, suivie par le Mali, d’interdire l’exportation de karité a entraîné des perturbations sans précédent sur le marché ouest-africain. Ces mesures, adoptées respectivement le 18 septembre et le 3 octobre, ont redirigé la demande régionale vers les autres producteurs, et le Bénin est désormais en première ligne. Selon le dernier rapport de N’kalô, publié le 24 octobre, les prix bord-champ de l’amande de karité ont grimpé en flèche, atteignant entre 450 et 490 FCFA le kilogramme dans plusieurs régions béninoises, soit trois fois plus qu’en août dernier.
Les interdictions d’exportation au Burkina Faso et au Mali ont provoqué un afflux de demandes d’exportateurs vers le Bénin. Les acheteurs étrangers, venant principalement de pays voisins comme le Ghana et le Togo, se pressent dans les départements du Borgou, de l’Atacora, de la Donga et des Collines pour acheter des amandes de karité, poussant les prix à des niveaux records dans les zones frontalières telles que Kalalé, Banikoara et Tchaourou. Dans les autres pays producteurs de la région, comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria, les prix ont également augmenté, mais se maintiennent entre 215 et 350 FCFA le kilogramme, un niveau inférieur à celui observé au Bénin.
Cette flambée des prix a un impact particulièrement lourd sur les petites unités de transformation artisanales béninoises, qui peinent à s’approvisionner en matières premières. Contrairement aux prix des amandes qui ne cessent d’augmenter, les prix du beurre de karité transformé demeurent relativement stables, créant un déséquilibre entre les coûts d’approvisionnement et les revenus issus de la vente. En effet, le prix d’exportation du beurre de karité oscille entre 2 200 et 2 500 FCFA par kilogramme, alors que les prix locaux varient de 1 300 à 1 800 FCFA. Ce décalage menace la rentabilité de ces unités artisanales, qui sont souvent le moteur économique des communautés locales et emploient majoritairement des femmes.
Avec l’augmentation des prix et la réduction des stocks dans les villages, la pression sur la filière ne cesse de croître. Les analystes avertissent que cette tendance pourrait conduire à une pénurie d’amandes de karité, ce qui aggraverait davantage les défis rencontrés par les transformateurs locaux. Cette situation, si elle persiste, pourrait mettre en péril la disponibilité des produits dérivés du karité sur les marchés locaux et internationaux.
Face à cette crise, les acteurs de la filière karité appellent les autorités béninoises à intervenir pour stabiliser le marché et protéger les petites entreprises de transformation. Parmi les mesures proposées, l’encadrement des prix et des aides financières pour les transformateurs locaux sont envisagés pour garantir un approvisionnement durable et un équilibre au sein de la chaîne de valeur du karité.
En attendant une réponse des décideurs, le Bénin reste confronté à une crise sans précédent dans la filière karité, dont les répercussions pourraient durablement affecter son économie locale et l’équilibre de la production dans toute la région ouest-africaine.