Alors que les prix mondiaux du riz connaissent une baisse depuis le début de l’année 2024, les importateurs africains sont à l’affût d’opportunités pour sécuriser des approvisionnements à moindre coût. Cependant, l’évolution des politiques commerciales des grands exportateurs, en particulier l’Inde, ainsi que les perspectives de récoltes en Asie, rendent l’avenir incertain. Cet article analyse les dynamiques actuelles du marché mondial du riz et explore les stratégies que les pays africains pourraient adopter pour tirer parti de cette conjoncture.
Ulrich DADO TOSSOU
Le marché mondial du riz traverse une phase de changement, et les importateurs africains sont confrontés à un défi stratégique majeur. Avec des prix en baisse et des dynamiques incertaines, notamment en Asie, la capacité des pays africains à tirer parti de cette conjoncture pourrait avoir des répercussions profondes sur la sécurité alimentaire du continent.
Depuis le début de l’année 2024, les prix mondiaux du riz ont amorcé une baisse notable, oscillant entre 8 et 10 % selon les estimations soulignées dans le rapport Ecofin du 30 Août 2024. Cette tendance, observée à travers l’indice des prix du riz de la Fao, qui a atteint son niveau le plus bas depuis un an en juillet, semble prometteuse pour les acheteurs. Toutefois, cette accalmie repose sur des dynamiques spécifiques, notamment une demande soutenue en Asie du Sud-Est, avec des pays comme les Philippines et l’Indonésie jouant un rôle prépondérant.
Mais cette réduction des prix pourrait n’être que temporaire. En effet, l’offre mondiale de riz reste sous l’influence de plusieurs facteurs déterminants, parmi lesquels les décisions stratégiques des grands exportateurs asiatiques, en particulier l’Inde. Le continent africain, qui reporte en grande partie ses achats dans l’espoir de bénéficier de baisses supplémentaires, pourrait trouver une fenêtre d’opportunité dans les mois à venir.
L’Inde, premier exportateur mondial de riz, joue un rôle central dans l’évolution des prix mondiaux. Ses décisions en matière de politique commerciale, particulièrement en ce qui concerne les restrictions à l’exportation, sont scrutées par tous les acteurs du marché. Actuellement, une taxe de 20 % sur les exportations de riz étuvé, combinée à une taxe forfaitaire de 90 dollars par tonne, limite les flux commerciaux, mais des signes d’assouplissement se font jour.
Selon Patricio Mendez del Villar, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), un tel assouplissement pourrait se produire de manière progressive. La prudence du gouvernement indien, face au spectre de l’inflation et à la nécessité de protéger les prix domestiques, pourrait conduire à une levée partielle des restrictions, permettant ainsi aux importateurs africains de bénéficier de prix plus bas. Toutefois, ce scénario reste soumis à l’évolution des conditions économiques et politiques internes en Inde.
Face à cette incertitude, les importateurs africains se trouvent dans une situation délicate. Reporter les achats dans l’attente de prix plus bas est une stratégie qui peut porter ses fruits, notamment si les prévisions de récoltes asiatiques se concrétisent avec une augmentation de l’offre mondiale. Cependant, cette stratégie comporte également des risques, en particulier si l’assouplissement des restrictions en Inde se fait attendre ou si d’autres facteurs imprévus viennent perturber le marché. De plus, la dépendance accrue de l’Afrique vis-à-vis des importations de riz expose les pays du continent à une volatilité importante des prix, avec des répercussions directes sur les consommateurs, surtout en milieu urbain. Une gestion proactive et diversifiée des sources d’approvisionnement, couplée à une surveillance constante des tendances du marché, s’avère donc cruciale pour minimiser les risques.
Le dernier trimestre de 2024 pourrait s’avérer déterminant pour les importateurs africains de riz. Si les prévisions d’une baisse continue des prix se réalisent, le continent pourrait profiter d’une fenêtre d’opportunité pour sécuriser des approvisionnements à bas coût. Cependant, les incertitudes entourant la stratégie commerciale de l’Inde et l’évolution des conditions mondiales imposent une vigilance accrue.
Les pays africains doivent rester agiles, prêts à ajuster leurs stratégies d’achat en fonction des évolutions du marché. Dans ce contexte, le développement d’une capacité d’analyse fine des dynamiques mondiales du riz, ainsi que la diversification des partenariats commerciaux, pourraient se révéler des atouts majeurs pour renforcer la sécurité alimentaire du continent.
Source : Rapport Ecofin du 30 Août 2024.