Elle est la fondatrice, directrice générale de Kiel Bien-être. Son entreprise, créée en 2017 à Parakou, est dédiée à la valorisation du baobab. L’entreprise fait la production du baobab, sa commercialisation et sa transformation en huile de baobab, en café de baobab, en poudre de feuilles et de pulpe de baobab et en baume. Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, Célia Chabi nous partage son parcours enrichissant.
Mouleykatou SOULEYMANE
Psycho-sociologue de formation, Célia Chabi a exercé le métier de psychologue pendant longtemps. Spécialisée dans l’accompagnement psychologique et psychosocial des jeunes et adolescentes, Célia a eu à accompagner nombre de jeunes et de femmes souffrants des problèmes psychologiques. Engagée et impliquée pour le bien-être des plus vulnérables, la jeune femme a beaucoup milité dans ce sens avec des organisations locales et internationales, comme Care Bénin, Médecins du monde, Partage, ainsi que la Fondation des jeunes amazones pour le développement (Fjad). Avec laquelle elle a beaucoup travaillé et continue à répondre présent lorsque le devoir l’appel.
Naissance d’une entreprise sociale et lucrative
Issue d’une famille de tradi-thérapeute, Célia a grandi dans cet environnement où les arbres, les plantes, l’environnement font partir du quotidien. Très curieuse et courageuse, elle a commencé l’étude des plantes depuis le bas âge. Mais le déclic qui l’a poussé à se consacrer à la production et à la transformation du baobab est parti d’une maladie du fils aîné de Célia, dont le prénom « Kiel » à d’ailleurs été donné à son entreprise. D’après le récit de la jeune maman entrepreneure, l’enfant souffrant de la dysenterie, c’est une recette à base de feuilles de baobab de sa grand-mère qui a instantanément arrêté le malaise, alors qu’ils avaient passé plusieurs jours à la pédiatrie de l’hôpital sans amélioration.
C’est à ce moment que Célia a décidé d’approfondir ses recherches sur cet arbre vertueux de la feuille à la racine. Et c’est ainsi qu’est né « Kiel Bien-être » en 2017. L’objectif de départ était de valoriser les produits locaux du nord. Mais la passion du mystérieux baobab a pris le pas sur le reste.
Aujourd’hui, Kiel Bien-être est dédié à la valorisation des produits issus du baobab. Célia a fait de Kiel Bien-être une entreprise hybride, avec un volet à but lucratif naturellement, mais également un volet social, qui notamment, concoure à l’autonomisation des femmes en milieu rural et à la protection de l’environnement. « Chez nous, on parle de biodiversité, de changement climatique, on parle de respect de l’environnement. Kiel Bien-être prend en compte tous ces domaines-là, chez nous, rien ne se perd, tout se transforme », a fait savoir la jeune entrepreneure.
Les produits de Kiel Bien-être et leurs bienfaits
Kiel Bien-être compte à ce jour cinq produits dérivés du baobab sur le marché. Il s’agit de la poudre de feuilles de baobab, de la poudre de pulpe de baobab, de l’huile de baobab, du café de baobab et du baume de baobab. La poudre de feuilles de baobab est beaucoup plus connue pour faire la sauce dans le nord Bénin ainsi que dans les pays du Sahel. C’est une sauce facile à faire qui accompagne tout, notamment la pâte, l’igname pilée, le riz et le couscous chez les communautés Zarma.
Selon Célia, les feuilles de baobab sont efficaces pour lutter contre la malnutrition infantile et celle des femmes enceintes grâce à sa richesse en vitamines A. Elles sont aussi connues pour faciliter l’accouchement chez la femme enceinte. Et sont également utilisées en cosmétique pour la confection des produits pour la pousse des cheveux, des produits contre les pellicules et les casses des cheveux.
Quant à la poudre de pulpe de baobab, elle est riche en vitamines C et est utilisée pour faire du jus de fruits. Selon l’entrepreneure, la pulpe de baobab peut être utilisée comme complément alimentaire et est recommandée pour les sportifs, les personnes qui font des activités physiques intenses. Afin de renforcer leur capacité et augmenter leur vitalité. Elle est également utilisée en cosmétique comme masque de visage pour son effet rajeunissant.
En ce qui concerne le café de baobab qui a été le produit innovant de Kiel Bien-être et qui a boosté l’entreprise, ce café est obtenu à partir des graines de baobab et est sans caféine. Contrairement à tout ce qu’on trouve comme café sur le marché. Et donc pas de risques d’accident vasculaire cérébral ou de palpitations avec le café de baobab de chez Kiel Bien-être. Ce café permet également la montée de lait chez la femme allaitante, la régénération des nerfs et soulage de la fatigue et de l’épuisement. L’entreprise Kiel Bien-être a reçu le prix de l’innovation en 2018 grâce à cette nouveauté.
L’huile de baobab est également issue des graines de baobab et est pressée à froid. Cette huile conserve donc toutes ses valeurs nutritives. L’huile de baobab est comestible, mais elle est beaucoup plus utilisée en cosmétique. Pour les traitements de cheveux, les soins du corps et du visage. C’est aussi un bon lubrifiant thérapeutique et soulage la fièvre chez les enfants. « Les restaurants achètent cette huile pour faire la cuisine et les entreprises cosmétiques pour la fabrication de produits cosmétiques, les particuliers, également, en achète pour diverses utilisations », a laissé entendre l’entrepreneure.
Le baume de baobab quant à lui est fait à base des feuilles de baobab, qui aide à la guérison rapide des plaies, arrête les hémorragies et lutte contre les courbatures. Le baume permet de soulager les douleurs articulaires, rhumatismes, toux, fièvre et la drépanocytose.
Il faut noter que, depuis 2021 l’entreprise fait elle-même sa propre production de baobab. L’entreprise de Célia a mis en place une technique maraîchère de production de baobab qui leur permet d’avoir beaucoup plus de rendement. Ainsi le baobab qui selon certains préjugés, on ne peut commencer à jouir de ses fruits qu’après 7 ou 10 ans, Kiel Bien-être à trouver la technique pour jouir de ses fruits dès 3 à 4 ans après plantation.
Femme sociale de terrain
« Moi j’ai beaucoup appris sur le terrain, je ne suis pas seulement une femme entrepreneure agricole, il y a également le volet social. Le professionnalisme ne s’apprend pas à l’école, mais sur le terrain », affirme la promotrice de Kiel Bien-être. En effet, l’entreprise Kiel internationalement connue, travail avec les femmes rurales spécialisé dans la chaîne de valeur. Ce qui contribue à l’autonomisation et à l’émancipation de ces femmes. Le personnel de l’entreprise est beaucoup sur le terrain avec ces femmes pour leur apprendre ce que l’entreprise attend d’elles. Et pour vérifier le travail de celles-ci en matière de qualité et de respect des normes Haccp. « Le personnel de l’entreprise est beaucoup plus sur le terrain. Nous sommes toujours sur le terrain, avec les femmes rurales. […] Nous travaillons avec une cinquantaine de productrices de baobab, que nous formons et sensibilisons en matière de normes internationales, de normes Haccp », a fait savoir l’entrepreneure. Il faut noter que Célia est également la présidente de « Virgin warrior », une association de jeunes filles qui contribue à créer un impact positif et durable dans la communauté en renforçant l’autonomie, l’estime de soi et les compétences des jeunes filles.
La force d’évoluer
L’entrepreneuriat n’étant pas un long fleuve tranquille, pour Célia, les défis rencontrés étaient plus liés à la chaîne de valeur qu’elle a choisi, qu’au fait d’être une femme. Parce que les institutions étaient beaucoup plus enclin à accompagner les porteurs de projet sur les spéculations telles, le riz, le maïs ou encore l’ananas. « Quand tu parles de baobab, ils se disent que le baobab n’est pas rentable, ce n’est pas leurs chaînes de valeur. Le défi était d’amener ces personnes à comprendre que c’est une chaîne de valeur rentable et que le baobab ne pousse pas dans 15 – 20 ans comme elles le pensaient à tort », a-t-elle souligné.
La jeune entrepreneure a dû retrousser ses manches et s’armer de persévérance dans le chemin qu’elle a choisi. Elle a fait le tour de presque toutes les institutions financières ou d’accompagnement des entrepreneurs du pays pour avoir un accompagnement, mais sans grand succès. Car les gens ne voyaient pas vraiment le retour sur investissement de la chose. Il fallait d’abord changer ces mentalités. « D’un autre côté, venant d’une communauté musulmane où les clichés veulent que la femme reste à la maison en bonne épouse, c’était un peu mal vu une femme mariée qui voyage tout le temps. Parce que moi, je voyage beaucoup. Mais ce sont des choses qu’il faut apprendre à surpasser », affirme l’entrepreneure.
Pour la promotrice de Kiel Bien-être, en tant que femme, si vous souhaitez vous lancer dans l’entrepreneuriat, vous devez faire fi des préjugés. Avoir des objectifs clairs et une vision claire. Lorsque vous avez un projet, ne pensez pas que vous êtes faible, ne vous dite pas qu’est-ce-que les gens vont en penser ? Qu’est-ce-que les gens vont dire ? Car c’est vraiment le blocage de beaucoup de femmes. Elles pensent « j’ai un mari, j’ai des enfants, je n’aurai pas le temps » « Mais tout est une question d’organisation », a souligné Célia. Avant d’ajouter, « Rien n’est facile. L’entrepreneuriat n’est pas facile, c’est un combat de tous les jours. Et ne pensez pas que parce que vous avez gagné votre premier million, c’est fini ou parce que vous avez gagné un trophée, c’est fini. C’est au contraire à ce moment précis que les défis commencent, parce que maintenant, les gens vous regardent. Vous devez tout faire pour évoluer », a conseillé Célia Chabi, la promotrice de Kiel Bien-être